Les changements au sein du secteur ne sont pas limités aux IMF, aux
régulateurs et à l’infrastructure du
marché. Un mystère persiste concernant un tournant séculaire dans la
performance des prêts qui a semblé difficilement explicable.
Jusqu’en 2008, les taux de remboursement des prêts des principales
IMF dépassaient régulièrement 99 %, tandis qu’ils se sont maintenus à
95-97 % durant les cinq dernières[1] années même pour les prêts à faible risque. Ceci malgré le fait
que l’exposition au risque du secteur
soit manifestement moins grande : le recours au crédit croisé a été divisé
par trois, les normes d'octroi sont plus exigeantes et les contrôles internes
renforcés.
Il n’existe pas d’explication évidente à ce changement apparent, mais il
ressort surtout que la relation entre les emprunteurs et les IMF ont changé
fondamentalement. Pour une multitude de raisons –
dont une moindre crainte des autorités, un déclin du statut social des
IMF, une conscience plus accrue de l’impact réel
du défaut de paiement – un nombre
plus élevé d’emprunteurs qu'auparavant se
retrouvaient en situation de défaut de paiement. Cette évolution pourrait
sembler inquiétante du point de vue du contexte de pré-crise, mais elle devrait en fait être accueillie
positivement : le marché marocain a mûri et les taux de remboursement ont
maintenant convergé vers les moyennes mondiales[2]. Après tout, une opération durable de crédit doit tolérer un
certain degré de défaillance des clients pauvres qui, pour des raisons qui leur
échappent (maladie ou simple malchance), ne peuvent honorer leurs obligations
de paiement.
Enfin pour comprendre la situation actuelle, il est important de
replacer la crise de la micro finance marocaine dans son contexte. A ce jour,
elle a souvent été admise au panthéon des crises de la micro finance – Bosnie, Nicaragua, – qui ont eu ensemble
le plus grand impact négatif sur la réputation du secteur.
Mais est-il justifié d’inclure le
Maroc dans ce panthéon? D’une part,
les IMF marocaines ont présenté beaucoup de caractéristiques communes aux
autres crises, notamment une croissance très rapide, une compétition agressive
et un déclin de la qualité des prêts, accompagnés d’une
gouvernance inefficace et de contrôles peu rigoureux... De plus, la crise
marocaine s’est définie par la crise d’une institution – ZAKOURA[3] – sans laquelle la
crise de la microfinance au Maroc semble étonnamment ordinaire.
Si les IMF marocaines ne se distinguent ni par leurs taux de
remboursement actuels ni par leur expérience historique, elles le font par un
autre facteur : elles sont toutes des ONG[4], non par choix mais par décret officiel, ce qui fait du Maroc un
cas unique dans le monde. Les grandes ONG financières sont une espèce rare,
même en microfinance. Pourtant le Maroc peut se vanter d’avoir
3 des 15 plus grandes ONG de microfinance au monde. C’est
également le seul pays où ces grandes ONG dominent complètement le secteur de
la microfinance.
Alors que les années difficiles de 2008-2009 semblent de plus en
plus lointaines, la voie à suivre pour le secteur comporte encore de nombreuses
questions. Les acteurs de la microfinance au Maroc –
IMF, investisseurs et régulateurs – sont
confrontés à des décisions difficiles alors que les enseignements qu’ils ont
tirés de la crise vont être utiles au reste du monde, le principal bénéficiaire
n’est autre que le secteur marocain
lui-même, qui va pouvoir appliquer ces leçons à son propre développement en
cours.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire